Entretien de Andrea LaVey

-Bonsoir Andrea. Tu es l'une des dernières à passer, tu n'as pas trop faim j'espère ?

Engage aimablement la régisseuse.

-Non, ça peut aller...

Elle marque une petite hésitation, elle s'attendait à être assaillie de question plus complexes que celle-là dès le début. Sans le vouloir, elle hausse un peu les sourcils en répliquant d'un ton neutre, mise à l'aise par la banalité.

-Et vous donc ? Ce n'est pas trop fatiguant de recevoir toutes ces personnes ?

Son regard est braqué sur un point fixe, elle s'ennuie elle-même mais essaye de ne pas trop le laisser paraître.

-Un peu, mais on s'en sort, ne t'inquiète pas. Pourquoi, tu te fais du souci pour nous ?

Lydie lui fait un sourire compatissant.

-A moins que tu n'estimes que nous n'avons pas les épaules pour ça ? Quand même.

Il semblerait presque offensé.

La jeune fille s'étire un peu sur son fauteuil, se contente d'un bref sourire de politesse qui traverse son visage avant d'annoncer en fixant cette fois la régisseuse. Puis elle observe le jeune homme qui venait d'intervenir et lâche.

-Commençons le test, madame.

Peut-être fallait-il être directe, ça arrangerait sûrement tout le monde.

-Tu prends ça comme un test ? Soit. Quelle est ton plus grand rêve en tant que sorcière ?

Après tout, pourquoi pas.

Bon, il y avait peut-être une bonne réponse, peut-être une façon de dire les choses qui plairait plus à un tel préfet, un moyen d'exprimer une philosophie qui la rangerait dans l'une des maisons. Mais à vrai dire, la couleur des vêtements qu'elle porterait était loin d'être son plus grand soucis alors elle se contente de répondre sans arrière pensée :

-Je ne sais pas, il n'y a pas vraiment de but... On perd un peu tous nôtre temps chacun à nôtre manière...

Elle fait craquer ses doigts.

-Difficile de dire que c'est un rêve mais j'aimerais bien trouver ma manière à moi.

Andrea grimace légèrement, ils n'étaient sûrement pas très avancés. Mais bon les rêves n'ont pas grand intérêt à part occuper les nuits.

-Admettons. Mais comment t'y prendrais-tu dans ce cas ? Si tu ne veux pas perdre de temps justement.

Elle ne commente pas la théorie première d'Andrea.

-Je ne m'y prendrais d'aucune façon...

Elle hausse les épaules et vérifie sur le visage des autres préfets qu'elle ne soit pas en train de se ridiculiser.

-J'aime beaucoup perdre mon temps...

-Intéressant. Mais comment trouver ta manière de perdre du temps si tu ne prends pas le temps de la chercher ?

Ca devient un peu ésotérique comme question, mais les préfets ne semble pas particulièrement perturbés par l'échange.

Pour le coup, ça arrache un petit sourire à la jeune fille, elle ne savait pas si elle appréciait son interlocutrice ou cette discussion sans limite mais quelque chose lui plaisait là dedans.

-Et bien...

Elle réflechit un instant... Sans perdre le moindre trait de son visage plutôt enjoué.

-Je ne sais pas trop, je crois bien que c'est vôtre temps à vous que je vous fait perdre là...

-Bien sûr que non. Discuter avec toi m'aide à te cerner pour t'envoyer dans une maison où tu te plairas. Donc du temps judicieusement dépensé. Ne t'inquiète pas pour moi...A moins bien sûr que ce soit ton temps que tu veuilles garder.

Lydie réajuste sa position dans le fauteuil puis enchaîne.

-Tu es obsédée par le temps en tout cas. Ça te stresse de ne pas pouvoir voir la pendule qui est derrière toi ?

Il y avait en effet une énorme pendule sur le mur derrière Andrea.

Obsédée par le temps ? Peut-être bien... Sans se retourner Andrea ferme les yeux un petits moment avant de les ouvrir cinq 'tics' et quatre 'tacs' plus tard.

-Non, la petite musique qu'elle joue me suffit.

Et elle concède dans le même temps.

-Et je ne suis pas facilement inquiétée... A quoi bon ?

-A toi de me dire. C'est une perte de temps, non ? Ca pourrait te correspondre.

Un raisonnement étrange, mais pas moins que le sujet lui-même.

-Je vous placerais chez Serdaigle madame... Vous aimez beaucoup les questions...

Andrea passe du sourire amusé au froncement de sourcil soudain en ajoutant.

-Ou peut-être serpentard ! Vous avez l'air de bien manipuler le langage pour me renvoyer les interrogations...

Puis le sourire revient au galop.

-Quoi que, peut-être êtes vous poufsouffle, vous m'êtes sympathique.

Et enfin son sourire s'élargit.

-Ou même gryffondor finalement, avoir le courage de persister aussi tard sans me lâcher sur mes idées du temps c'est assez héroïque !

C'est tout, Andrea n'en dit pas plus. Mais au moins la régisseuse aurait eu le droit à son entretien à elle aussi. La jeune fille triture un peu son nœud papillon pour s'occuper les mains.

Et la promesse est tenue, la jeune LaVey ne grimace plus.

-A mon tour, donc ?

Dommage, elle aurait bien voulu entendre parler cette Dame qui l'intriguait au lieu d'entendre sa propre voix dont elle avait trop l'habitude.

-C'est plus dur dans ce sens, vous trichez un peu à nôtre jeu... Enfin je peux essayer...

Elle se gratte la tête.

-Je sais que... Pour ce qui est du courage je pense que ça ne m'irait pas mais c'est un avis partial. J'apprécie perdre mon temps certes mais en bonne compagnie et la camaraderie est peut-être une de mes valeurs... Enfin il est certain que j'aime bien les questions curieuses aussi, mais pour y répondre je ne suis pas toujours la meilleure... Il n'y a qu'à voir mes difficultés là à faire ressortir quelque chose de simple. Mais en même temps, peut-être que j'essaye d'orienter vôtre choix ? Peut-être que j'ai très bien compris les enjeux de la discussion et que j'essaye de vous faire choisir selon ma volonté ?

Elle pense avoir balayé un peu de tout les côtés et espérait étrangement avoir réussi à faire douter la régisseuse, quoi qu'il en soit rester aussi tard valait le coup. Son engouement pour cet entretien était perceptible.

-Merci ?

Elle secoue la tête pour se rectifier.

-Merci.

Elle réajuste sa tenue en se levant et ne s'attarde pas plus.

-A vous aussi.

souhaite-t-elle à la régisseuse autant qu'aux différents préfets.